7 janvier 2020

LES BAD BOYS DU FOR GOOD

Les crises sociale et écologique ont peu à peu obligé les entreprises à justifier d’un intérêt collectif…

Les crises sociale et écologique ont peu à peu obligé les entreprises à justifier d’un intérêt collectif. Elles ont fait feu de tout bois, précédées ou suivies par les pouvoirs publics : les labels privés se sont multipliés, tout comme les statuts, tels que « l’entreprise à mission » du rapport Notat-Senard, le statut ESUS pour les entreprises de l’ESS ou encore le label privé américain B-Corp, dont l’obtention est officiellement visée par Danone. La « raison d’être » et le For Good hantent les entrepreneurs. Être rentable ne suffit plus, il faut aussi être juste, vert, éthique. Qui ne l’est pas ou qui ne prétend pas l’être ?
Et pourtant, le For Good pour tous est une calamité dans cette légitime quête de sens. S’accrochant à leurs activités, certaines entreprises ne peuvent que se limiter à un affichage. D’autres peuvent être good pour le client, mais ni pour les salariés, ni pour les fournisseurs. D’autres encore, l’être pour l’humanité, mais pas pour la planète. On savait que l’enfer était pavé de bonnes intentions, on en découvre la version 4.0.

La palme du Bien paradoxal revient sans conteste aux géants du web comme Facebook, régulièrement épinglé pour des collectes de données illégales, ou Google, champion catégorie « Big Brother », mais dont la maxime est « Do not evil »…  Le cas d’Amazon est encore plus parlant. Sa raison d’être ? « Être l’entreprise la plus orientée client ». Proposer le plus de marchandises possible, livrées le plus vite possible. Amazon prétend en plus atteindre la neutralité carbone avec dix ans d’avance sur l’accord de Paris. L’envers du décor ? Des centres-villes désertés, une hyper-croissance pour doper la valeur boursière, une relation salariée supplantée par une relation commerciale, comme on le voit avec ses « travailleurs du clic » qui œuvrent pour 3,3 $/heure, ou avec ses livreurs poussés à bout. Pire encore, le quasi-monopole physique et technologique visé avec son activité d’hébergeur Amazon Web Services, de loin la plus stratégique et la plus rentable. La privatisation rampante d’un bien commun n’est pas l’exacte définition de l’intérêt général… Le pluralisme économique et démocratique, la vision citoyenne exigeraient le démantèlement d’un tel géant.

Changeons d’univers avec les labels alimentaires. Les fromages de l’Aubrac se sont créé un label d’origine protégée. Problème, les vaches de la race produisent bien moins de lait que les standards actuels. Or on veut du volume : le label s’est donc recentré non pas sur l’origine du lait, mais sur le processus de production. Du coup, l’authentique fromage de l’Aubrac ne correspond plus au goût labellisé, il se fait éconduire par son propre label… D’un fromage à l’autre, le label peut conduire à une success story comme l’AOP du comté ou à du moins-disant comme celle du camembert… De même, le bio ne veut plus dire grand-chose, tant il est devenu un produit d’importation de plus en plus suspect, si l’on tient compte de son empreinte carbone ou de la liste de ses ingrédients. Le mauvais a tout du bon !
Le For Good ne peut se limiter aux « premiers de la classe » qui font leur « possible », du seul point de vue de l’entreprise ou de son secteur. Airbus veut réduire la consommation de ses avions, mais le meilleur pour la planète ne serait-il pas de réduire la mobilité globale ? Total nous promet l’énergie la plus propre possible, mais le meilleur ne serait-il pas de sortir des énergies fossiles ? Ces aspirants à la vertu ne font pas de choix clairs. Ils n’ont pas compris que leurs concurrents viendront d’ailleurs, et qu’il vaut mieux se disrupter soi-même que l’être par d’autres. Celui qui ruinera l’aviation sera peut-être un urbaniste de génie, qui aura redonné aux citadins le plaisir de la vie en ville, ou des solutions pour vivre et travailler à la campagne, et ainsi tarir la mobilité compulsive.

Pour mériter son nom, le For Good doit l’être by design, pour concilier le bien pour l’entreprise et le meilleur pour la société.

Pour mériter son nom, le For good doit l’être by design, pour concilier le bien pour l’entreprise et le meilleur pour la société. Ceci implique une évolution managériale majeure touchant toute la chaîne de valeur, et capable d’affronter son environnement économique. Les baskets Véja en sont un bon exemple, qui ont osé renoncer à la publicité et au marketing. Le For Good doit aussi être plus qu’une préoccupation entrepreneuriale, impliquer un leadership inspirant, qu’un Emmanuel Faber pourrait éventuellement concrétiser. En attendant, combien de dirigeants se bercent de discours, sans y croire pour eux-mêmes et leur famille ?

C’est à ces conditions que le For Good sortira de l’opportunisme simpliste et accouchera de vrais business modèles, à la fois vertueux et compétitifs, parce qu’ils auront su basculer dans une vision holistique du bien commun.

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